Jugement majoritaire et vote à l'Assemblée nationale

Bonsoir

J’ai vu certains du forum hier à une mini-conférence proposée par l’association MV. Fort intéressant, je ne regrette pas d’y avoir assisté, et merci à MV d’avoir organisé l’événement.

En revanche, je tiens quand même à souligner un problème qui me semble préoccupant :

« Toute chose ressemble à un clou, pour celui qui ne possède qu’un marteau », écrivait Abraham Maslow

Or, j’ai eu l’impression que des membres de l’association Mieux voter veulent placer systématiquement le Jugement majoritaire même et y compris quand cela n’apporte rien et n’a strictement rien à faire.
Démonstration hier : la représentante de l’association Mieux Voter indiquait qu’elle suggérait de remplacer le vote binaire oui / non à l’assemblée nationale par un double vote :
-un jugement majoritaire
-un vote de l’assemblée nationale sur la mention minimale qu’il faudrait avoir pour que le texte passe

A un moment il faudra quand même que MV comprenne que dans certains cas, l’Homme est binaire : soit je veux de cette loi (même éventuellement imparfaite) soit je n’en veux pas (quand bien même elle pourrait avoir de bons côtés).
Donc la théorie de l’utilité et le côté rationnel devraient mener systématiquement les députés à voter soit Excellent soit A rejeter, l’utilisation de tout autre mention n’ayant aucun intérêt (et les partisans indiqueront que même une mention « à rejeter » suffit tandis que les opposants exigeront une mention « excellent »).
Alors on me dira, « mais si, cela permet d’exprimer plus finement son avis ».
Non.
D’abord les députés ne sont pas là pour dire ce qu’ils pensent abstraitement des lois et des textes, mais de les voter ou de les rejeter
Ensuite, savoir que M. Tartempion pense que telle loi est « passable » ne sert absolument à rien, puisque cette seule indication ne permet pas de savoir sur quel point la loi devrait être retoquée ou amendée selon M. Tartempion
Enfin, la lecture des débats parlementaires - amendements, interventions en séance, questions au gouvernement - ou l’expression libre ailleurs - site internet du député, intervention à la télévision, etc. - permettent, au-delà du vote oui / non, de savoir ce que pense M. Tartempion, et ce bien plus finement qu’une mention « passable » ou « assez bien ».

Bref, à part créer une usine à gaz, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter des mentions qui devraient, en théorie et si les députés sont rationnels, ne pas être utilisées.

Bonsoir,

Alors c’est très intéressant et d’ailleurs de manière analogue ça recoupe vraiment ce qu’on disait déjà sur le sujet Quelles règles précises pour le préférendum?.

I. Votes binaires oui/non sur une proposition séparément (comme aujourd’hui), où les mentions supérieures du JM remplacent le « oui/pour/adoption » et où les mentions inférieures du JM remplacent le « non/contre/rejet »

Juste, pour savoir, est-ce qu’il s’agit d’un extrait de https://www.youtube.com/watch?v=xXJYuxyTmD8 (qui a été publié en live la veille du jour où vous avez écrit ça) ?
Pour info je ne l’ai pas (encore) regardé, c’est juste que si on a la source directe c’est intéressant car elle a peut-être développé ou du moins on a le contexte.

Je vais pas reprendre tout mon échange avec @sdm94 sur le fil du préférendum, juste que ce qui est décrit là, reste du vote binaire oui/non. D’ailleurs ça a été de facto appliqué dans certains scrutins au Parti Pirate français (PP) depuis quelques années, à deux différences notables :
Le jugement majoritaire étant utilisé pour certains votes et élections de la manière qu’on connaît bien ici (et pour le coup les résultats des scrutins du PP sont publics donc on peut calculer les équivalents selon certains modes de scrutin alternatifs, notamment Condorcet, ce que je publie parfois), et donc ce n’est que quand il n’y a qu’un seul candidat en lice pour un même poste (il y a aussi le cas des conseils mais je vais pas rentrer dans cette subtilité) que cela se transforme en ce mode de scrutin binaire, puisque la seule condition à remplir est de dépasser la mention minimale à atteindre. Cette mention est donc connue avant le vote, qui ne peut en aucun cas la remettre en cause. Toutes les motions du PP qui ne sont pas des élections qui ne sont pas de la concurrence (qui se font soit en jugement majoritaire soit en méthode de Borda) sont directement et statutairement du vote binaire oui/non (avec 100 voix chacun, répartissable entre oui, non, nspp, et les délégations).

Sur ce point je ne suis pas d’accord : voter une mention « intermédiaire » (qui, du coup, ne serait pas mathématiquement intermédiaire, contrairement à du « nspp » « vote blanc » « abstention », qui sont pourtant déjà très utiles et utilisés) peut justement donner une indication qu’on vote pour ou contre l’adoption ou le rejet mais avec une nuance importante, qui peut notamment être entendue par les autres législateurs comme par les électeurs. Toutefois, les intitulés littéraires ne me convainquent pas, il faudrait au minimum les renommer pour déjà montrer où est la limite et pour que ce soit adapté à des intitulés législatifs. D’autant plus, je comprends cette critique dans le jugement majoritaire, au sens où on ne sait pas précisément quel candidat aura quelle mention à la fin, autant là s’il y a une limite il n’y a normalement même pas de doute, et il y a fort à parier qu’avec ce système les médias annonceront pas seulement le nombre de chaque mention mais aussi le total équivalent au « pour » et au « contre » (ce qui est logique vu que c’est toujours du vote binaire oui/non)…

…Par contre, il faut évidemment qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur où est la limite entre du vote pour et du vote contre. Je pense que j’aurais énormément de mal à accepter que cette limite bouge entre deux votes, et il est évidemment totalement hors de question que cela ne soit pas fixé avant le vote. La moindre ambiguïté là-dessus serait à mon sens de nature à invalider les résultats du scrutin.

On est bien d’accord, c’est clair que ça ne devrait en aucun cas remplacer cela, d’ailleurs je ne vois pas trop pourquoi cela devrait aller avec une modification de ces procédures et du temps de parole, sauf par contre des amendements (cela dit tout cela pourrait être modifié pour être amélioré, sans même remettre en cause le vote binaire oui/non).


II. Jugement majoritaire (concurrentiel) entre plusieurs propositions alternatives contradictoires/incompatibles, avec adoption (ou maintien) de la meilleure mention majoritaire et pas des autres

Et donc justement je pense que ce serait vraiment un faux-dilemme que d’opposer le vote binaire oui/non avec des mentions transformées en du oui/oui/non/non.

Car justement ce n’est pas binaire, on n’est pas obligé d’avoir soit ce texte sur ce sujet, soit conserver le texte en vigueur (ou rien du tout quand c’est un nouveau texte). Si on peut proposer des amendements, ça veut bien dire qu’il y a d’autres possibilités, non ?
Et au contraire, s’il n’y a pas que 2 possibilités, il y a certaines possibilités qui sont contradictoires/incompatibles, on peut conditionner, nuancer, mais pas mettre tout et son contraire comme législation.
Dans une situation de « une loi et ses amendements », on est davantage dans une situation comparable à celle d’une élection avec 1 vainqueur : on peut garder la loi en vigueur (ou rien du tout si c’est de la nouveauté), adopter le texte du projet de loi ou de la proposition de loi en question, ou un autre texte qui relèverait de l’amendement, que ce soit une version légèrement modifiée d’une autre proposition, ou une alternative très différente, tant que c’est sur le même sujet et que ça relève de la concurrence (au sens où ce seraient des législations contradictoires/incompatibles).
Il se peut très bien qu’aucun législateur (enfin, aucun de ceux qui ont l’initiative législative ou de proposer des amendements) ne décide d’en déposer, et dans ce cas c’est logique de rester sur un simple vote binaire oui/non (c’est d’ailleurs ce qu’il se passe au PP), mais ce n’est pas nécessairement le cas, auquel cas la question du mode de scrutin se pose réellement et change la donne. Dans ce système, l’option « statu quo » (qui existe déjà dans les votes binaires et correspond au rejet de la proposition) serait bien sûr automatiquement proposée en plus des autres (comme on le fait au PP d’ailleurs).

De la même façon que ce que je disais en Quelles règles précises pour le préférendum? - #3 par Vesporium, tout l’intérêt d’un mode de scrutin comme le jugement majoritaire pourrait justement être d’éviter l’écueil des amendements, ou pour les référendums, de proposer des alternatives au choix des citoyens. Et c’était notamment l’une des grosses erreurs qui a été commise lors du processus référendaire chilien de 2020-2023.

Imaginez qu’on envisage une modification du mode de scrutin pour l’une de nos élections (je prends ce sujet parce qu’il devrait parler à tout le monde sur ce forum vu que c’est son objet). Ne serait-ce pas plus logique de lister différents modes de scrutin alternatifs lors du vote qui les mettrait tous en compétition, plutôt que de devoir passer les votes les uns après les autres sans toujours vraiment savoir où on doit mettre la limite entre notre vote pour et notre vote contre ? Combien de cas se sont vraiment déroulés et n’ont pas abouti à l’adoption d’un nouveau mode de scrutin à cause de ça ? J’avais cité quelques caractéristiques et exemples pour les référendums dans la partie II de Démocratie Délégative, Démocratie Liquide - #12 par Vesporium. Évidemment les phases de discussions, de débats, de co-construction, restent importantes, mais elles n’aboutissent pas toujours à des consensus et il vaudrait mieux garder certaines alternatives pour trancher entre elles lors du vote.

Aujourd’hui on voit des centaines, parfois des milliers d’amendements, mais on sait bien que beaucoup sont émis pour leur aspect « fillibuster » à cause du fonctionnement législatif qui permet de contourner certains votes : par exemple certains se plaignent encore souvent, de députés ou de ministres faisant ça pour invalider les votes des journées réservées aux groupes parlementaires, mais la décision logique ne devrait pas être de réformer ce fonctionnement pour que le vote ait quand même lieu quand il doit avoir lieu ? régler un problème récurrent systémique/naturel plutôt que juste d’espérer que les autres acteurs politiques ne vont pas se saisir d’un outil juridiquement légal.
Et même quand ce n’est pas le cas et que c’est utilisé sérieusement comme au Parlement Européen où ils croulent sous des cadences infernales de votes d’amendements (ce qui peut se comprendre car les eurodéputés peuvent déposer des amendements mais pas de propositions de loi), ce ne serait pas plus simple de voter directement, en une fois (et pas les uns après les autres, car c’est très mauvais démocratiquement) et en pouvant nuancer entre toutes les versions proposées ? Alors oui, si ça fait trop de possibilités ou si on préfère, on peut faire la même chose au niveau des articles au sein d’une proposition de loi, sans devoir nécessairement multiplier toutes les possibilités (c’est d’ailleurs une discussion qui arrive parfois au PP sur les motions stratégiques à soumettre au vote).

D’ailleurs, cela tendrait par ailleurs à modifier fortement la présentation des « amendements » (comme le font Discourse et Wikipédia pour montrer les modifications entre 2 versions d’un même texte), on avait d’ailleurs à l’époque porté une motion là-dessus au PP (qui a été adoptée) et je vous mets le lien car un des avantages est qu’il recense comment sont écrits et présentés les amendements de plusieurs autres pays : [Projet de motion] - Modification de la présentation des amendements - Projets de motions, d'équipages, etc... - Parti Pirate - Discourse.


III. Votes sur une proposition séparément (comme aujourd’hui), en utilisant des mentions de JM, où chaque mention majoritaire a un autre effet d’adoption/mise au vote/rejet de la proposition, progressif suivant l’ordonnancement des mentions - aka « la proposition de Relaxx »

Maintenant que j’y pense, j’ai déjà lu une ébauche de proposition de reprendre des mentions type jugement majoritaire, avec réellement des conséquences différentes (qui présente donc une réelle différence - qui peut avoir un intérêt - au vote binaire oui/non, contrairement à la suggestion que vous avez entendu l’autre jour et que vous avez décrit @Benoit) : Généralisation du Jugement Majoritaire - Projets de motions, d'équipages, etc... - Parti Pirate - Discourse que je vais appeler « la proposition de Relaxx ».

Alors, déjà pour moi ce type de fonctionnement devrait nécessairement soit systématiquement inclure un rappel de ce que vaut chaque mention, voire si possible prendre directement les conséquences directes/statuaires comme intitulé littéraire des mentions. Bref, comme les deux cas précédents, les mentions pourraient être amenées à être remaniées et renommées pour correspondre le mieux possible à ce qu’elles signifieraient.

En l’occurrence, il faut pas se fier à mes likes sur ce vieux fil, c’était lors de mes premières lectures à l’époque, je ne soutiens pas cette proposition de Relaxx, et je pense qu’il y a beaucoup à revoir dans cette ébauche de proposition, qui d’ailleurs serait peut-être même encore moins appropriée pour une législation d’une collectivité territoriale que pour le type de motions que peut adopter un parti (ou pas - j’y ai pas réfléchi plus que ça).

Et au niveau du calendrier législatif, pour moi la mise en place d’un système de cycles législatifs comme décrit dans la partie IV de Démocratie Délégative, Démocratie Liquide - #13 par Vesporium devrait suffire à régler les problèmes de calendrier législatif (tout en aidant grandement les MPs dans leurs tous leurs votes législatifs), tout en donnant davantage de pouvoir d’initiative législative aux députés, ce qui leur manque cruellement en particulier dans la période actuelle de la XVIIe législature.


Bref, typiquement ces deux approches (parties II et III) sont deux alternatives différentes et contradictoires/incompatibles qui pourraient faire l’objet d’un vote en concurrence entre elles et avec le système actuel (vote binaire oui/non ET la manière dont sont actuellement traités les amendements) donc… ce que je propose en partie II et que je propose aussi pour les préférendums.

Bonjour Vesporium,

J’avais vu votre message passer, je voulais y répondre mais par manque de temps je me suis dit que je le ferai plus tard, et finalement le courriel annonçant votre message s’est perdu au milieu des X autres courriels. Désolé pour le retard, du coup !

I. Votes binaires oui/non sur une proposition séparément (comme aujourd’hui), où les mentions supérieures du JM remplacent le « oui/pour/adoption » et où les mentions inférieures du JM remplacent le « non/contre/rejet »

Juste, pour savoir, est-ce qu’il s’agit d’un extrait de https://www.youtube.com/watch?v=xXJYuxyTmD8 (qui a été publié en live la veille du jour où vous avez écrit ça) ?

Oui, et double mea culpa, d’une part de ne pas l’avoir mentionné directement, et d’autre part parce que je ne sais plus du tout quand cela a été formulé et que malheureusement je n’ai vraiment pas le temps de tout réécouter pour retrouver le moment (tout ce que je peux dire, c’est que c’était plutôt vers la fin qu’au début).

Sur ce point je ne suis pas d’accord : voter une mention « intermédiaire » (qui, du coup, ne serait pas mathématiquement intermédiaire, contrairement à du « nspp » « vote blanc » « abstention », qui sont pourtant déjà très utiles et utilisés) peut justement donner une indication qu’on vote pour ou contre l’adoption ou le rejet mais avec une nuance importante

C’est votre droit le plus strict de ne pas être d’accord. Et moi-même je le suis aussi (pas d’accord) : certes, cela donne une nuance, mais celle-ci étant ininterprétable, elle ne servira à rien. Je prends votre exemple d’une privatisation, le gouvernement propose une privatisation à 40%, ceux qui ne voulaient pas de la privatisation comme ceux qui voulaient une privatisation à 100% risquent de voter la même mention, comme « médiocre » ou « mauvais ». La belle affaire… Par ailleurs, les medias ne donnant généralement pas forcément le nombre de voix pour ou contre, je ne pense pas qu’ils s’embêteront à donner le nombre de voix de ce qui sont un peu pour ou très pour ou je ne sais quoi.

…Par contre, il faut évidemment qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur où est la limite entre du vote pour et du vote contre. Je pense que j’aurais énormément de mal à accepter que cette limite bouge entre deux votes, et il est évidemment totalement hors de question que cela ne soit pas fixé avant le vote

De mémoire, l’oratrice proposant la solution du JM à l’Assemblée nationale n’était pas d’une très grande clarté sur la question de la constance de la limite entre le vote pour et contre ni, s’il advenait que cette limite dût être votée à chaque fois (mais j’espère que ce n’est pas le cas, parce que quelle perte de temps…), si elle devait être votée avant ou après l’expression. Et c’est dommage, parce que ces points sont cruciaux. Si quelqu’un veut qu’une loi soit votée (même insuffisante ou bancale sur certains aspects ou que sais-je), il ne va pas prendre le risque, en se prononçant pour une mention moindre que la meilleure mention, que la loi ne passe pas à cause de sa frilosité, à condition certes qu’il ait deux sous de bon sens (c’est peut-être là où le raisonnement purement logique que je tiens risque d’échouer :smiley: ).

II. Jugement majoritaire (concurrentiel) entre plusieurs propositions alternatives contradictoires/incompatibles, avec adoption (ou maintien) de la meilleure mention majoritaire et pas des autres

Dans une situation de « une loi et ses amendements », on est davantage dans une situation comparable à celle d’une élection avec 1 vainqueur : on peut garder la loi en vigueur (ou rien du tout si c’est de la nouveauté), adopter le texte du projet de loi ou de la proposition de loi en question, ou un autre texte qui relèverait de l’amendement, que ce soit une version légèrement modifiée d’une autre proposition, ou une alternative très différente, tant que c’est sur le même sujet et que ça relève de la concurrence (au sens où ce seraient des législations contradictoires/incompatibles).

Je ne suis pas un expert en droit constitutionnel, mais j’avais cru comprendre que les amendements étaient votés un par un, (approbation ou rejet), et qu’ensuite, le texte de la loi avec les amendements approuvés était voté en bloc (approbation ou rejet).

Alors j’entends votre point sur le fait qu’il peut être intéressant de comparer plusieurs options. Toutefois, si votre option est de sélectionner les x options ayant obtenu les meilleures mentions comme vous l’évoquiez sur le fil mis en référence, si x>1, alors vous allez vous retrouver avec x mentions incompatibles et contradictoires à adopter. J’en déduis du coup que x=1 ?
Votre proposition me semble poser quelques problèmes : comment être sûr que des options sont contradictoires ? Certes, les propositions « privatiser ADP à hauteur de 20% » et « ne pas privatiser ADP du tout » sont contradictoires. Mais, « implanter un aéroport à l’ouest de la ville X » et « implanter un aéroport à l’est de la ville X » sont-elles des propositions contradictoires ? Certains diront que oui, parce que la ville X est petite, qu’il n’y a pas besoin de deux aéroports, et que de toute manière on n’a pas les fonds. Mais M. Y, qui se trouve être comme par hasard président d’une usine de BTP et actionnaire de compagnies aériennes, vous dira que, pas du tout, on peut tout à fait construire deux aéroports sur la ville de X, en prévision de la hausse du trafic, et il suffit d’emprunter pour les fonds, et donc qu’en aucun cas les propositions ne sont contradictoires.
Donc, sauf cas évident, qui décide si les propositions sont contradictoires ?
Parce que, si on est trop large sur le caractère contradictoire, par exemple que l’on considère que les propositions « implanter une gare dans la ville de Z » et « implanter un aéroport dans la ville de Z » sont contradictoires, certains diront que non, la ville Y est suffisamment grande pour avoir les deux, et que ce ne sont pas les mêmes choses, tandis que d’autres diront que la ville n’a pas de quoi payer gare et aéroport.

Alors il est vrai que je ne sais pas comment le système législatif actuel fonctionne si deux amendements incompatibles entre eux sont proposés et qu’ils sont tous les deux meilleurs que le système de vote actuel.
Par exemple, sur l’élection présidentielle, amendement 1 : le vote est fait par approbation, amendement 2, le vote est fait par jugement majoritaire. Si les deux amendements sont votés, comment cela fonctionne-t-il ? Un député qui ne sait pas comment voteront ses collègues ne va pas se limiter à voter pour à la meilleure méthode, il va voter pour aux deux propositions, mais ensuite, pour mettre cela ensemble, bah je ne sais pas comment cela fonctionne.

« Sont également prohibés les amendements qui remettraient en cause des dispositions adoptées conformes en introduisant dans le texte des additions incompatibles. »
Doit-on comprendre que « premier arrivé, premier servi » , au sens où si deux amendements A et B sont incompatibles, si le premier amendement est voté, le deuxième est nécessairement écarté ? Du coup, cela veut dire que l’ordre de présentation des amendements est quelque chose de fondamental, donc se pose la question de qui, et comment, détermine l’ordre d’examen des amendements.
Cela pose une autre question ; je n’aime pas la situation actuelle, les amendements A et B sont proposés, j’aime bien les deux mais je préfère le B, mais pas de chance, le A est proposé en premier.
Je vote non au A pour sauver le B, le A est rejeté, je vote oui au B, pas de chance c’est rejet, puis-je reproposer l’amendement A pour voter cette fois-ci oui ?
Remarquez que quelle que soit la réponse, cela ne va pas :
-soit c’est oui, et cela veut dire que l’on multiplie les votes
-soit c’est non, et le député ne sait pas quoi faire lors du vote de l’amendement A : soit oui au risque de perdre la chance d’avoir B qui est adopté, soit non au risque que ni A ni B ne soient adoptés…
Bon, je reconnais que je ne connais pas les méthodes d’adoption législative actuelle, c’est ce qui manque pour pouvoir avancer et améliorer le système avec des propositions, parce que l’on ne peut améliorer ce que l’on ne connaît pas.

je reviens à votre méthode : vous proposez d’adopter les x (en fait, comme vu supra, une seule) meilleure option. Mais à quel moment vous comparez cette « meilleure solution » au statu quo ? Faut-il considérer qu’il y a toujours systématiquement l’option « statu quo » qui est proposée ?

Aujourd’hui on voit des centaines, parfois des milliers d’amendements, mais on sait bien que beaucoup sont émis pour leur aspect « fillibuster » à cause du fonctionnement législatif qui permet de contourner certains votes :

Le problème est, comme d’ailleurs vous semblez l’admettre à la fin du paragraphe, que le vote simultané des amendements serait également très long, puisqu’il faut dans tous les cas que les députés se prononcent sur chacun des amendements.
Je pense même que votre méthode serait plus longue :
-au lieu de voter pour ou contre, on a une palette de mentions. Déjà que certains députés se trompent de bouton au moment de voter quand il y a le choix entre pour ou contre, alors je ne vous dis pas quand ils auront le choix entre 5 mentions et qu’il leur faudra se souvenir qu’à l’amendement 327 ils veulent voter « plutôt contre » et qu’au 328 ils voulaient voter « plutôt pour »…
-il faut d’abord déterminer préalablement quels sont les amendements qui sont contradictoires.

D’ailleurs soit dit en passant, est-il possible qu’un amendement A soit contradictoire avec un amendement B qui lui-même est contradictoire avec un amendement C sans qu’A et C ne soient contradictoires ?
Remarque, cela doit se trouver. Supposons que C soit un amendement A’, très proche de A. Alors A’ peut être incompatible avec C, comme A l’est avec C, sans pour autant que A et A’ soient incompatibles; Du coup, quels amendements soumettez-vous aux votes ?
Bon, peut-être que mon raisonnnement ne tient pas, mais comment démontreriez-vous alors qu’il ne peut exister trois amendements A, B et C, tels que A et B soient incompatibles, B et C le soient, mais pas A et B ? Parce que si de tels amendements existent, votre méthode ne peut pas fonctionner, parce que vous ne pourrez pas vous limiter à l’ensemble des amendements incompatibles entre eux.

En revanche j’aime bien votre motion de modification de présentation des amendements, je n’aimais pas le système français, mais n’avais jamais pensé à regarder ce qui se faisait ailleurs, donc merci !

Bon, pour conclure là-dessus, et je termine par le plus important, je ne vois pas en quoi on a besoin de s’encombrer d’un JM pour sélectionner la meilleure mention. Un vote par approbation oui/non avec mise en place de la mention qui a le plus de voix « oui » suffit amplement àmha. Qu’apporte le jugement majoritaire ?

III. Votes sur une proposition séparément (comme aujourd’hui), en utilisant des mentions de JM, où chaque mention majoritaire a un autre effet d’adoption/mise au vote/rejet de la proposition, progressif suivant l’ordonnancement des mentions - aka « la proposition de Relaxx »

Mon avis franc : usine à gaz sans intérêt. Pardon si je suis direct, mais il est 22h59, et Morphée va m’appeler bientôt.
Comme le dit Be1664, on risque de se retrouver dans une boucle sans fin. L’auteur modifie par une autre proposition avec un délai changé et je ne sais quoi, mais c’est rajouter de la complexité et esquiver le fond du problème.
Pour rappel, les ministres, et les groupes lors de leur journée (ok, c’est insuffisant) peuvent proposer des lois ou amendements. Pas besoin d’un calendrier impératif qui viendra encombrer au mauvais moment, sans d’ailleurs que l’on n’ait aucune promesse que le texte sera amélioré. Concrètement, cela veut dire quoi ? Que les députés qui se sont prononcés sur un texte d’une certaine manière il y a six mois vont se prononcer différemment parce que le texte leur est soumis obligatoirement X mois après ? Peu de chances. Alors, certes, ce n’est pas impossible ; l’avis des députés a pu évoluer en fonction de l’actualité, du recul qu’il y avait, du changement de députés (législatives partielles) ou d’inflexion de lignes politiques d’un groupe. Mais dans ce cas, il peut très bien y avoir nouvelle proposition, sans que ce soit imposé.
Bref, usine à gaz sans intérêt qui contribue surtout à encombrer davantage l’ordre du jour de l’AN.
On laisse tomber.

Edit : je viens de penser à un système de vote qui s’apparenterait éventuellement à certaines choses qui ont pu être proposées ici, c’est le système de vote au concile Vatican II. Trois modalités de vote : placet (littéralement « il plaît » : approbation), non placet (litt. « il ne plaît pas » : rejet), placet juxta modum. Les modi étaient apparemment les amendements.
Je ne connais pas exactement les détails du fonctionnement de cette dernière modalité de vote, mais en allant à la pêche, on a :

Les Pères du concile peuvent proposer des amendements, appelés en latin modi , aux textes préparés par les commissions, en votant placet juxta modum et en joignant un amendement à leur vote, mais la majorité use de cette faculté avec parcimonie à cause de la doctrine qui considère comme rejeté un texte recevant plus d’un tiers de modi (Deuxième concile œcuménique du Vatican — Wikipédia)

Dans ces premiers votes les Pères étaient invités à répondre par oui (placet) , par non (non placet) ou par un oui conditionnel lié à la demande d’un amendement (placet juxta modum). Celui qui votait ainsi était invité à indiquer la nature de la modification (modus) demandée (Chronique | Cairn.info)

(a) « Placet juxta modum » signifie : acceptation, mais acceptation conditionnée par l’amendement qui est demandé. Le « juxta modum » équivaut souvent à un vote négatif, car la modification qui est en fait la condition du « placet » peut changer la substance même du texte proposé. (Le Bref examen critique du nouvel Ordo Missae • LPL)

Bref, il semble que que placet juxta modum permettait à un Père de faire un vote d’approbation conditionné par l’acceptation de l’amendement qu’il déposait, mais que s’il y avait plus d’un tiers de non placet ou placet juxta modum, le texte était purement et simplement rejeté.
Remarquez que l’AN fonctionne autrement : dépôt de l’amendement, vote sur l’amendement, et ensuite une fois que tous les amendements ont été discutés, vote sur la loi, donc le député qui tenait mordicus à son amendement peut voter oui à la loi si son amendement a été accepté et non si rejet. Toutefois, je ne vois pas trop ce que le système de placet juxta modum apporte réellement d’intéressant par rapport au vote de l’AN. En effet, on sait que le Père Durand est prêt à voter le texte si et seulement si son amendement est adopté, mais on ne sait pas si le Père Dupont qui a voté placet maintiendra son vote placet si l’amendement du Père Durand est accepté…