Vote par approbation et vote blanc

Sur les bulletins de vote

Déjà qu’actuellement sans bulletin unique, on n’a pas autant le choix de voter pour chacune des candidatures en lice, en scrutin uninominal comme en scrutin plurinominal de liste, alors en jugement majoritaire, où le principe est précisément de juger chaque candidature, dans le cas où on accepte que les votes ayant évalué tous les candidats, il faut que chaque enveloppe contienne bien une mention pour chaque candidat, et donc éviter de créer un système qui permet à n’importe quel candidat d’invalider une part massive de l’électorat dans les bureaux de vote qu’il pense en sa défaveur, et dans le cas où un candidat non-évalué se voit attribué la pire mention, alors il n’aura aucun intérêt à ne pas avoir de bulletin de vote à son nom. Alors oui, techniquement, on pourrait mettre en place un jugement majoritaire sans bulletin unique mais ça aurait vraiment encore moins de sens qu’actuellement, le principe du jugement majoritaire étant précisément de mettre une mention à chaque candidat, pas seulement en soutenir un.

Je me suis probablement mal exprimé, il est évident que le fait d’ajouter ou retirer un certain nombre de voix à certaines mentions de certains candidats ou un certain nombre de voix en tout, va bien sûr modifier les résultats, ce qui est tout à fait attendu de la part d’un mode de scrutin.

En fait je parlais de cette légalité, et uniquement de celle-ci : lors du dépouillement, les dépouilleurs n’ont pas le droit de refuser de comptabiliser un bulletin de vote au motif que dans ce bureau de vote, la candidature votée ne soit pas venue les approvisionner en bulletins de vote. Cependant, comme tous les bulletins de vote, ils doivent être rigoureusement conformes aux règles (taille, grammage, couleur) et correspondre au document officiel de la candidature pour l’ensemble de l’élection. Ce qui est par exemple différent de la présidentielle aux Etats-Unis où un candidat doit se présenter État par État, et n’est inclus sur le bulletin de vote (unique) que dans ce cas, même si certains États autorisent le write-in, dont le vote est plus difficile que les autres options (savoir bien écrire et orthographier le nom du candidat). De ce que je comprends de l’article, dans de nombreux cas la validation d’un write-in nécessite que la personne écrite soit candidate, ce qui fait du coup qu’il doit sûrement y avoir une autre raison pour rendre cette situation utile et occurrente, par exemple un manque dans le dossier de papiers à faire pour candidater ? Au plus j’avance dans ce sujet, au plus je me dis que le fait de ne pas visualiser clairement de votes à l’étranger (que ce soit sur la partie bulletin de vote ou sur la partie dépouillement) est un peu bloquant.
Edit : En fait c’est pire que ça, on peut voir un exemple ici avec l’ensemble des candidats à la présidentielle de 2020, avec une carte par candidature pour visualiser dans quel Etat chacun d’eux est sur le bulletin de vote ou non, et sinon s’il est accepté en tant que write-in ou non.

Mais, oui, en effet, en France il est plus difficile de voter pour certaines candidatures que pour d’autres, celles dont le bulletin n’est pas présent dans votre bureau de vote. Ce qui fait que ceux qui comptaient voter pour celle-ci, ou qui hésitaient à voter celle-ci, ne pourront pas le faire s’ils n’ont pas anticipé ce risque, trouvé le bulletin de vote pour qui ils veulent voter et l’imprimé (techniquement pour une partie d’entre elles, ils pourraient littéralement fouiller la corbeille de l’isoloir pour voir s’il ne resterait pas au moins l’un de ces bulletins et que celui-ci n’a pas été nullifié). Cela demande un coût supplémentaire (en temps, en énergie, en argent, en moyens) pour l’électeur, ce qui peut faire comme vous l’avez dit, qu’il va exclure cette option face au comportement par défaut qui le privera de certains votes. C’est précisément ce qui rend une partie non-négligeable des élections en France inéquitables, et cela devrait également être de nature à altérer le scrutin.

La présidentielle est la seule élection politique en France où ce n’est pas au candidat d’approvisionner les bulletins de vote, et c’est la raison pour laquelle tous les paquets de bulletin de vote sont de même épaisseur et sont tous présents à l’ouverture du vote, d’ailleurs il me semble que l’absence d’au moins un paquet dans un bureau de vote retarde son ouverture et est à déclarer au procès-verbal.

D’ailleurs, sans même aller jusqu’à ce cas, actuellement les candidats (à toute élection autre que la présidentielle) qui craignent de ne pas atteindre le seuil de remboursement, ou qui n’en n’ont tout simplement par la capacité financière (qui peut se chiffre en centaines de milliers d’euros voire en millions selon les élections) pour approvisionner la totalité des bureaux de vote, doivent réfléchir et choisir combien de bureaux de vote approvisionner avec combien de bulletins (en essayant d’anticiper l’abstention, et la propension des autres électeurs à prendre leur bulletin de vote pour le jeter à la poubelle juste après) pour chaque commune ils vont imprimer et approvisionner, en devant estimer le coût et l’apport (les chances d’être voté par des électeurs potentiels et donc augmenter leur part des voix, faire connaître la liste/candidature ou le(s) parti(s) qui l’a portent).
Toute cette situation est complètement absurde, casse le principe d’égalité des électeurs, altère la sincérité du scrutin, et déforme donc aussi l’interprétation qui peut être faite des résultats (untel a t-il obtenu un si bas score parce que peu de monde le soutient ou parce que beaucoup d’électeurs ne peuvent pas voter pour lui ?)


Jugement majoritaire et Vote par approbation

Désolé j’aurais dû faire plus attention et voir que ce fil était dans une catégorie pas accessible publiquement. Pour résumer, la question porte sur la permission ou non de s’abstenir sur une partie des candidatures à un même conseil, et la façon de gérer du jugement majoritaire quand le nombre de places à élire est variable entre un minimum et un maximum (ce qui fait que le jugement est qualitatif si le nombre de candidats n’arrive pas au maximum, mais concurrentiel lorsqu’il l’atteint - on note que le vote par approbation et ce vote par approbation modifié pourraient être dans le même cas, contrairement par exemple en Borda ou Condorcet), et qu’il peut être envisagé de se présenter pas tous en même temps.
La principale conclusion étant que « il y a 2 jugements majoritaires » :

  • un concurrentiel : qui va remplacer un vote par approbation, un vote borda, quand le nombre de places est limitée (par ex pour la présidentielle)
  • un qualitatif : qui va remplacer une question fermée oui/non
    A laquelle j’ai ajouté que dans les 2 cas ça restait un scrutin cardinal/qualitatif (par jugement en gros) et non ordinal/classement (où les candidats doivent être placés par rapport aux autres candidats).

Par ailleurs, un participant fait remarquer un point intéressant qui pourrait aller dans le sens du vote par approbation modifié (NB je me permets de citer ce passage car contrairement au reste, il est repris d’une page accessible publiquement) :

Le vote par approbation est un vote utilisé au niveau du PPEU, du PPI et du PPDE [ndlr : qui nécessitent de pouvoir organiser des votes non-secrets].
Cela fait des années que ce mode de vote nous pose problème. Ce mode de vote ressemble au jugement majoritaire en ce qu’il oblige le votant à s’exprimer [ndlr : sur tous les candidats pour que le vote soit valide] : oui OU non. […]
La réponse du votant est d’ailleurs assez binaire : “j’approuve ou non”, du coup aucune possibilité de “moyenner” son avis, c’est à dire que oui cette motion ou cette personne est bien mais moins bien qu’une autre motion ou personne. C’est ce biais que corrige le jugement majoritaire qui permet de faire sortir une proposition consensuelle mais de valeur.
Le vote par approbation, sans dire qu’il est clivant, s’appuie beaucoup sur le chantage “émotionnel” : si tu n’es pas pour c’est que tu es contre. Dans un vote de personne, où l’affect est présent, cela induit des biais de sympathie et peut forcer la main quand on connait la personne, afin d’éviter de la froisser. Et c’est comme ça que l’on vote pour des personnes incompétentes mais que l’on aime bien…

Il s’agissait de l’élection des eurodéputés, donc une élection d’assemblée, donc déjà l’offre électorale n’est pas la même que sur une présidentielle, dans un cas on choisit qu’un vainqueur ou qu’une loi pour l’ensemble des votants, et dans l’autre une pluralité de représentants (ce qui est encore plus marqué que dans le cas précédent, qui se pose justement car c’est un peu entre les deux).

J’avais expliqué pourquoi je rejette de traiter ces 2 scrutins avec le même mode de scrutin et la même logique sur Jugement majoritaire et scrutin de liste - #90 par Vesporium, conduisant à Jugement majoritaire et scrutin de liste - #93 par Vesporium.

Si on reste sur la présidentielle, il y a donc un problème d’information et de médiatisation ici

Notez que pour au moins les professions de foi (ainsi qu’une version FALC c’est-à-dire simplifiée, et une version audio), les clips de campagne télévisés, et peut-être aussi les bulletins de vote, vous pouvez les retrouver en ligne sur des sites officiels, par exemple Programme des candidats aux élections - Accueil même s’il faut admettre que l’ergonomie du site est loin d’être optimisé, et pour les clips de campagne il me semble qu’on peut trouver au moins ce qui est diffusé, et il doit y avoir certains médias ou personnes qui les séquencent par candidature et les publient.

Sur les quelques expérimentations de jugement majoritaire qui ont été faites sur de vrais bureaux de vote lors de vrais premiers tours de la présidentielle (en 2007 et en 2012), on a les chiffres par candidat (pour 2007 on en avait déjà parlé, ils sont ici même s’il y a peut-être quelques erreurs minimes), on devrait pouvoir retrouver le rapport de l’époque qui comptabilise le % des participants qui ont évalué entre 1 et 11 des 12 candidats. Ce qui, par ailleurs, ne voudrait pas dire que ce même échantillon n’aurait pas évalué tous les candidats si l’élection était réellement au jugement majoritaire et si ne pas mettre de mention à chaque candidat invalidait le vote. Et si c’était compté comme des « à rejeter » (ce qui serait nécessairement annoncé avant le scrutin), la voix de ces électeurs ne permettrait quand même pas d’élire un candidat qu’ils rejettent. Par ailleurs ça empêcherait la victoire d’un candidat non évalué par une majorité de l’électorat.

Pour moi, quel que soit la façon dont on traite un bulletin de JM non entièrement rempli, il est essentiel d’informer clairement le votant sur comment une absence de mention est traitée.

Et si c’est cette troisième possibilité, ou celle de transformer son absence de mention par n’importe quelle autre mention clairement définie, revient en fait à la première possibilité, dans les 2 cas chaque voix représente la même proportion sur chaque candidature, et l’électeur sait que s’il ne coche pas, ce sera exactement comme s’il avait coché telle ou telle mention.

Dans la deuxième possibilité, ne pas cocher revient d’une certaine façon (quand on ne regarde que les valeurs relatives, pas les valeurs absolues) à voter au prorata des mentions mises par les autres, comme avec l’effet de l’abstention, du vote blanc et nul sur les suffrages exprimés. Si certains cas de JM peuvent refuser cette possibilité de ne donner une mention qu’à une partie des candidatures, c’est afin que chaque candidat soit évalué le même nombre de fois.
Si on choisit cette deuxième possibilité, on peut aussi l’exprimer par une case supplémentaire de « vote blanc » ou « abstention », qui soit toujours basée sur la ligne mais clairement détachée du tableau (peut-être de l’autre côté par rapport aux candidats ?), et surtout il faut bien faire comprendre ce qu’elle signifie : assumer que les autres électeurs choisiront seuls les résultats de cette candidature, sa mention majoritaire, et potentiellement son élection/adoption.

D’ailleurs afin de contrer ce potentiel effet, il me semble avoir déjà lu des propositions de quorum par rapport aux votants (ce qui ne me satisfait pas vraiment) ou encore d’en faire des demi-voix de la pire mention, qui est éliminatoire, mais dans les deux cas ça ne me satisfait pas vraiment car ça complexifie l’utilisation, la compréhension et la lecture de ce « vote blanc » qui n’en serait plus vraiment (comme dans diverses propositions de faire de certaines proportions de vote blanc un invalideur de scrutin).

Tout à fait, mais ici vous comparez le vote blanc à une mention passable dans un JM avec 3 mentions, en sachant déjà que s’il y a des candidats sur lesquels je pourrais voter blanc, d’une part ce que ça implique changerait si je vote effectivement blanc ou si je leur mets une mention, notamment je ne sais pas si je leur mettrais systématiquement la mention intermédiaire sur trois mentions.
Notons que même en restant sur une méthode de meilleure médiane, la façon de trancher une égalité, (notamment lorsqu’il n’y a pas un candidat qui domine tous les autres) peut varier et indiquer un résultat différent : Méthode de meilleure médiane — Wikipédia. On remarque dans votre exemple que les résultats sont ultra serrés et que les électeurs qui ont voté « passable » ou « blanc » sur l’un des 2 candidats auraient intérêt à changer leur vote, soit en approuvant le candidat qu’ils ne rejettent pas, soit en rejetant le candidat qu’ils n’approuvent pas. C’est notamment pour ça que je n’aime pas trop le cas de JM avec seulement 2 candidats. On note pourtant qu’à l’expérimentation du 2nd tour de la présidentielle de 2017 au JM, les participants n’ont pas radicalisé leur vote en mettant massivement la meilleure mention au candidat qu’il préféraient des 2 finalistes, vote sincère qui est un risque à prendre, et qui justement différerait selon le nombre de mentions et selon le calcul de la formule.
C’est aussi pourquoi je suis plutôt favorable à permettre un second tour en duel si les deux candidats obtenant la meilleure médiane au jugement majoritaire ont la même mention majoritaire (il faut davantage de mentions que 3) en particulier lorsqu’aucun ne domine clairement les autres candidats et que les différentes méthodes d’égalité donneraient des vainqueurs différents. Mais cela nécessiterait de ne pas avoir un résultat trop serré, puisqu’au-delà de 3 candidats cela représente trop de duels, et à partir de 3 candidats on peut avoir un paradoxe de Condorcet, mais dans ces cas-là ça veut dire que la situation est franchement très serrée.

Je viens de relire cet article Jugement majoritaire versus vote majoritaire | Cairn.info, dans lequel il y a bien une partie sur le vote d’approbation avec seulement approbation ou non (sans le « vote blanc » intermédiaire que vous proposez), je me demande ce que penserait @Rida co-auteur du rapport et de l’invention du JM, du « vote par approbation modifié », l’idée avec 3 niveaux « soutien/blanc/rejet » et la formule (soutien)/(soutien+rejet), notamment dans quelle mesure elle a été envisagée, écartée et/ou expérimentée.