Alors pour le coup je ne suis pas emballé par l’idée. Supposons un seuil fixé de x% à 30%. Supposons une élection avec deux candidats, A et B.
31% votent A à rejeter, B, insuffisant
40% votent A excellent, B, insuffisant
29% votent A, excellent, B, à rejeter.
A est éliminé avec le critère du seuil alors que 69% de la population le préfère à B et le trouve excellent. Je trouve que c’est un peu sévère quand même.
Et je ne parle même pas du cas où on aurait :
55% : A excellent, B à rejeter
45% : A à rejeter, B, excellent
On fait quoi? on élimine tout le monde et on revote?
Je pense que le système de jugement majoritaire est relativement complexe ; on a parfaitement le droit d’être contre le scrutin majoritaire à deux tours (je le suis aussi), mais il a un avantage indéniable, c’est sa simplicité.
En ajoutant un système d’évaluations sur chacun des candidats, on créée une couche de complexité. La gestion des égalités est également une source de complexité. Si en plus on empile un effet de seuil sur la mention « à rejeter », on rajoute encore une couche.
Edit : et j’ajoute que du coup, cela ne fait plus « un » jugement majoritaire, mais plein de jugements majoritaires différents avec des paramètres différents et règles différentes, donc cela devient plus compliqué à présenter et défendre dans l’opinion publique si les partisans du jugement majoritaire ne sont pas d’accord entre eux et que chacun veut « sa » version.
En fait je pensais à utiliser la mention « à rejeter » comme « droit de veto » pour remplacer les seuils de majorité qualifiée ou d’unanimité, qui sont utilisés pour les changements constitutionnels ou dans le cadre de l’UE entre les états, l’idée étant de nuancer le simple « non » du « veto ».
Mais de manière générale, du jugement majoritaire sur seulement 2 candidats ne me semble pas très pertinent (ce qui rejoint ce que vous disiez sur De l'utilisation rationnelle des appréciations intermédiaires).
Oui : est du jugement majoritaire tout mode de scrutin reposant sur le jugement de tous les candidats par plusieurs mentions strictement ordonnancés dont l’issue est calculée par la médiane. Le nombre de mentions et leurs intitulés ne sont pas fixés, mais il en faut quand même plusieurs, d’ailleurs de ce point de vue le vote d’approbation (oui/non) peut être vu comme une forme de jugement majoritaire avec seulement 2 mentions.
Après des fois par commodité de langage on dit « le jugement majoritaire » pour la forme historique avec les 7 mentions. Et des fois pour préciser la méthode de calcul de partage des égalités, par rapport au jugement usuel et jugement typique, qui s’appuient pourtant aussi sur la médiane et qui sont donc aussi des jugements majoritaires en reprenant la première définition (la guerre sémantique le retour ).
Mais en fait c’est aussi le cas pour du scrutin uninominal à 1 ou 2 tours. Certes il semble « simple » dans la mesure où on restreint notre expression sur l’offre politique en ne disant qu’un seul nom et en donnant aucune information sur les autres candidats, et même pas vraiment sur celui-ci. Mais en fait une fois qu’on a compté les voix, que se passe t-il ? Avec le scrutin uninominal à 1 tour comme aux États-Unis et au Royaume-Uni , c’est « simple » celui qui obtient le plus de voix est élu, on se fout bien de savoir qu’il aurait été battu en duel par untel ou tel autre, ou qu’il ne s’en sort que par le vote utile. Mais en France on utilise du scrutin uninominal à 2 tours pour les départementales et pour les législatives, et la condition pour être au 2nd tour c’est d’obtenir une certaine proportion des suffrages exprimés ET aussi une certaine proportion des inscrits (c’est aussi pour ça d’ailleurs que la montée de l’abstention fait qu’il y a de moins en moins de quadrangulaires et de triangulaires), à l’exception des candidats arrivés 1er et 2e en nombre de voix car on s’est vite rendu compte que sinon il y aurait des cas où aucun ne serait en mesure d’aller au second tour. Le taux choisi pour se maintenir au second tour des législatives en France a varié, il me semble qu’actuellement il date du compromis entre l’UDR et les partis de centre-droit avec qui il formait la majorité à l’époque.
Et en fait pour les autres élections aussi « le législateur » au pu rajouter plein de mécanismes, pour les régionales en France il faut avoir 10% des suffrages exprimés pour que sa liste puisse se maintenir au 2nd tour, et 5% pour qu’elle puisse fusionner : ces valeurs totalement arbitraires ont des implications politiques, et en fait sont même des choix politiques qui ont été faits pour obtenir des effets, comme par exemple les fameux changements d’offre politique entre les deux tours, où une tête de liste peut rétrograder un candidat de sa liste, ou s’allier avec une autre liste… S’ils le font c’est parce que le système électoral les y incite ouvertement, puisqu’il y a une prime (25% du conseil régional, 50% du conseil municipal) qui se rajoute aux autres sièges à pourvoir.
Sauf que la différence, c’est que dans ces cas-là ce n’est pas qu’on détaille car on doit bien choisir un certain nombre de mentions ou d’intitulés, là c’est de la complexification pour favoriser ou défavoriser certains candidats, possible si on connaît un peu la structure électorale du suffrage et/ou la scène politique locale.
En fait, je pense que si sur ce forum on donne cette impression, c’est parce que :
la philosophie du mode de scrutin uninominal ou du scrutin plurinominal proportionnel de liste fermée (qui devient du scrutin uninominal à 1 tour sur un seul siège, puisqu’il n’y a pas de transférabilité), c’est littéralement de « donner sa voix à untel », de faire un « +1 » pour l’une des offres proposées et de rejeter toutes les autres au même niveau, et la manière de faire campagne qui va avec c’est d’essayer de « prendre des voix aux autres », et il incite surtout à la restriction de l’offre politique (c’est une des raisons qui explique qu’ils ont inventé la règle des parrainages pour la présidentielle).
La philosophie d’une méthode de jugement c’est de s’exprimer sur toutes les propositions qui ont été faites, ce qui change totalement la manière dont elles sont médiatisées, et le fait d’avoir plusieurs mentions c’est justement pour pouvoir nuancer son expression, qu’elle soit plus riche en informations données lors du vote (qu’avec du scrutin uninominal) et qu’elle ne soit pas interprétable de travers (le célèbre « un vote d’adhésion + un vote par dépit + un vote contestataire + un vote utile = 4 voix ») sans inciter à une restriction de l’offre politique, donc cela favorise le débat sur des points de détail (d’autant plus que c’est un type de mode de scrutin très peu utilisé par des états, et qui a été théorisé récemment dans le but de résoudre un maximum de problèmes des modes de scrutin en vigueur).
Chaque « partisan du jugement majoritaire » ne tient donc absolument pas à « sa » version, et (je laisse l’association Mieux Voter répondre) mais il y a beaucoup de points d’accord sur l’analyse et sur la solution, ce qu’on peut constater : bien qu’en s’exprimant un peu différemment et en insistant sur des aspects différents, les arguments sont le plus souvent dans le même sens. Et il y a aussi Projets de propositions de lois pour un scrutin au Jugement Majoritaire à l'élection présidentielle où il y a du co-travail de rédaction de textes législatifs réformant les modes de scrutins actuels vers du jugement majoritaire. Et Projet de proposition de loi pour un scrutin au jugement majoritaire aux élections présidentielles et législatives qui a permis notamment de suivre la réforme du mode de scrutin des législatives qui avait été envisagée il y a 1-2-3 ans.
De plus ce discourse est l’un des lieux idéal pour de telles réflexions, puisque le jugement majoritaire (et les modes de scrutin en général) est l’objet de l’association Mieux Voter (n’hésitez pas à me compléter si ce que je dis est trop partiel).
[je compte rajouter ici un lien vers un exemple mais je ne le retrouve plus ]
En fait je pensais à utiliser la mention « à rejeter » comme « droit de veto » pour remplacer les seuils de majorité qualifiée ou d’unanimité, qui sont utilisés pour les changements constitutionnels ou dans le cadre de l’UE entre les états, l’idée étant de nuancer le simple « non » du « veto ».
Mais de manière générale, du jugement majoritaire sur seulement 2 candidats ne me semble pas très pertinent
Ce que j’écrivais marche aussi avec trois candidats :
55% : A excellent, B à rejeter, C à rejeter
45% : A à rejeter, B, excellent, C à rejeter
Si vous instaurez un seuil de 30%, tout le monde se trouve rejeté, ce qui ne va pas.
Je vous rejoins en revanche sur le reste, à savoir qu’effectivement le scrutin majoritaire à deux tours, pour les listes, peut être complété de plein de paramètres différents. Bien vu, mon point était effectivement hâtif et erroné. Cela n’empêche pas toutefois que je ne suis pas convaincu par la proposition, qui risque d’inciter des gens qui considèrent X comme passable ou insuffisant à mettre « à rejeter » pour s’en débarrasser.