De l'utilisation rationnelle des appréciations intermédiaires

Bonjour à tous,

Derrière ce titre, ma question est : pourquoi avoir plusieurs (dans le sens de « strictement supérieur à deux ») niveaux d’appréciation? Il est indiqué par les deux promoteurs de ce vote que cela permet aux électeurs de mieux préciser leur degré d’appréciation. Soit.
La question devrait plutôt être amha : dans quel cas un utilisateur devrait-il logiquement et rationnellement utiliser un niveau d’appréciation intermédiaire ne correspondant ni à l’option « Excellent » ni à l’option « Rejeter »? Parce qu’un vote selon moi ne sert pas à exprimer son degré d’appréciation d’un candidat, mais à élire celui que l’on préfère (ou à faire battre celui que l’on apprécie le moins), quand bien même les appréciations entre ces deux candidats seraient proches.
Plaçons-nous dans un cadre d’un vote entre deux candidats. Je pense que A est « assez bien », je pense que B est « passable ». Je pourrai bien sûr m’exprimer en ce sens. Mais la vérité est que je préfère A à B, donc que j’ai une utilité plus grande si A est élu que B, et donc qu’à tout prendre je devrais maximiser la probabilité d’élection de A, n’est-ce pas? Or, en mettant un bulletin dans l’urne « A assez bien », je risque de faire diminuer sa médiane, et de même, en mettant « B passable », d’augmenter la médiane de B.
On va me dire que : déjà la probabilité est faible qu’à moi tout seul je change quoi que ce soit à la médiane de A ou de B, d’une part ; d’autre part, que si j’augmente la médiane de B, c’est qu’elle était franchement faible, et de toute manière B serait donc bien parti pour perdre, et parallèlement que si je fasse baisser la médiane de A, c’est déjà qu’elle était très bonne et qu’il était bien parti pour gagner.
Soit, mais je répondrais que :
-la probabilité est certes faible, mais elle n’est pas nulle. Et que par ailleurs si tout le monde fait le raisonnement, cela fera beaucoup plus de bulletins à se déplacer donc plus d’impact
-que de toute manière, quand bien même en décidant de passer de « A assez bien et B passable » à « A excellent B à rejeter » il y a une probabilité infime de changer le résultat, ce changement ne peut se produire que dans le « bon » sens pour moi i.e. favoriser l’élection de A au détriment de celle de B. En d’autres termes, mon utilité n’est pas diminuée en décidant de passer à « A excellent et B à rejeter »; au pire elle ne change pas.

Je prends l’exemple du tableau 7 page 12 de https://mieuxvoter.fr/wp-content/uploads/2019/03/Balinski_2018-10.pdf . Si tous ceux qui préfèrent Sarkozy à Hollande mettent Sarkozy « Excellent », le scrutin est pliée, faveur de Sarkozy. Pourquoi, si les électeurs sarkozistes étaient rationnels et pressentaient ce résultat, ne voteraient-ils pas en masse « Sarkozy excellent, Hollande à rejeter »?

On va peut-être me dire que je prends un cas particulier de choix entre deux candidats. En fait, le raisonnement s’applique à n’importe quel nombre de candidats.
Supposons une élection à trois candidats, j’estime A « très bien », B « assez bien », C « insuffisant », et donc mon ordre est A>B>C. Si j’agis parfaitement rationnellement, quels sont les arguments pour que je ne vote pas « A Excellent et C à rejeter », puisque je préfère A et que je trouve que C est le pire?
Alors vous me direz, « oui mais pour B, la mention intermédiaire est utile ». En fait, je ne pense pas non plus. Soit je préfère privilégier l’élection de A, est donc la même logique devrait me pousser à mettre « B à rejeter », pour éviter qu’il fasse de l’ombre à A, soit je préfère à tout prix écarter C que je ne supporte pas, et je devrais mettre « A Excellent, B Excellent, C à rejeter ».

Edit : bon, c’est un peu plus subtil, j’ai pris papier et crayon, et l’idée est de distinguer le résultat pressenti et d’agir en connaissance de cause. Par exemple, si l’ordre pressenti final est B, A, C, j’ai intérêt à donner une mention « à rejeter » à B pour le faire couler et faire élire A, puisque de toute manière C est dernier. En revanche, si c’est B, C, A, je dois faire une croix sur l’élection de A, je peux toujours voter « Excellent » pour lui, mais comme je veux éviter l’élection de C, je dois mettre « excellent » à B. Et ainsi de suite, dans les 6 cas.
Cela dit, la conclusion ne change pas : j’ai toujours intérêt à mettre systématiquement des mentions « excellent » ou « à rejeter ».

Bref, dans quels cas, rationnellement et logiquement, l’utilisation de niveaux intermédiaires me conduit-elle à maximiser mon utilité?
J’ai bien conscience que les différentes réalisations pratiques de ce vote n’ont pas conduit à avoir une masse de bulletins « A Excellent, B à rejeter », ou « A A rejeter, B excellent », mais rien ne dit que l’électeur est parfaitement logique.

En vous remerciant

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  1. Je ne connais pas à l’avance les « pressentis » du scrutin, ou c’est un pari, avec les risques que ça impute, et donc exprimer mes appréciations intermédiaires réduit le risque du pari.
  2. Je participe à un scrutin privé avec des gens qui ont eux aussi un état d’esprit de scout et pas de soldat. (wink wink julia galef)

Plus généralement, je maximise mon utilité de scout avec des mentions intermédiaires, mais pas celle de soldat (mais seulement si ma carte est la bonne, sinon je me tire dans le pied).

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De fait le JM apporte un changement radical de logique. On passe d’un système de compétition individuelle où l’objectif est d’éliminer les autres choix possibles à un système de décision collective pour déterminer le meilleur choix acceptable par tous.

Cela va changer le comportement des candidats qui, au lieu de s’appuyer sur un socle d’aficionados tout en dénigrant systématiquement leurs adversaires, devront trouver les propositions susceptibles de convenir au maximum d’électeurs.

De même du côté des électeurs il n’y aura plus d’intérêt à imaginer des stratégies de vote utile mais au contraire à restituer le plus fidèlement ses opinions afin que l’opinion collective finale soit la plus juste.

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Bonjour

D’abord, vous avez toujours des pressentis, ne seraient-ce que votre intuition ou ce que disent les sondages.
Ensuite, à supposer même que vous n’ayez aucune intuition, que dans ce cas vous devriez raisonner sur votre utilité. Si vous avez une utilité de 1 quand A est élu, 0,6 quand B est élu et 0 quand C est élu, en l’absence de toute information complémentaire, vous devriez juger « B excellent », parce que votre principal souhait est de faire battre C. En revanche si l’utilité quand B est élu est de 0,4, vous devriez mettre « B à rejeter », puisque votre but principal est de faire élire A.

Ce n’est que si vous n’avez absolument aucune information et que votre utilité tombe « pile au milieu » (0,5 si B est élu) que vous pouvez voter n’importe quoi (aussi bien excellent que rejet que passable que ce que vous voulez) pour B.

Je vais prendre un parallèle ; supposons que je vous montre une pièce de monnaie, que je vous dise que je vais la lancer 10 fois de suite, que je vous propose que vous allez tenter de prédire si elle tombe sur pile ou sur face (exemple : PPFFPPFPFF), et que quand vous avez bon je vous donne 1€.
Si vous n’avez aucune information, vous pouvez aussi bien prédire 10 piles que 10 faces que n’importe quoi qui vous passe par la tête. En revanche, si vous avez une information comme quoi la pièce tombe à 51% de chances sur pile, vous avez intérêt à dire PPPPPPPPPP, c’est là où vous maximisez vos gains, même si vous savez très bien que la pièce ne tombera pas 10 fois sur pile.

De même du côté des électeurs il n’y aura plus d’intérêt à imaginer des stratégies de vote utile mais au contraire à restituer le plus fidèlement ses opinions afin que l’opinion collective finale soit la plus juste.

C’est justement le point qui me semble faux et que je remets en cause : je ne vois pas de cas où je maximiserais mon utilité en jugeant une mention intermédiaire. Au mieux je fais jeu égal, dans de rarissimes cas.

La fiabilité de cette information est clef. En jouant P×10 je prends le risque de minimiser mes gains, à fortiori si les paris des autres joueurs influencent l’équilibre de la pièce.

Je juge le risque trop élevé de faire partie d’une brigade de soldats qui parient que leur info est la bonne et parient qu’ils ont prévu comment les paris des autres brigades de soldats vont influencer les résultats. Je veux apprécier les candidates comme une scout, avec subtilité et candeur, dans le respect de toustes.

Tu soulèves des points très intéressants, et je suis curieux de voir quelles stratégies de brigades pourraient émerger après quelques générations de Jugement Majoritaire, dans ce grand dilemme du prisonnier que peuvent être les élections.

Dans un scrutin à 3 candidats, 3 mentions suffisent.
Dans un scrutin à 11 candidats, 3 mentions ne suffisent pas à exprimer mes préférences. 7 mentions, d’expérience, si.

Où te prositionnes-tu par rapport au principe de silence électoral ?

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Bonjour

Vous ne prenez aucun risque de minimiser vos gains. Certes, le premier raisonnement serait de se dire : en moyenne, la pièce va tomber environ 5 fois sur pile et 5 fois sur face, donc je peux essayer un PFPFFPPFPF ; mais si la pièce fait FPFPPFFPFP, vous marquez 0.
Démonstration du fait que la prédiction PPPPPPPPPP est la meilleure : chaque tirage est indépendant ; pour chaque tirage, j’ai une probabilité supérieure de faire pile à faire face ; donc pour chaque tirage, je dois prévoir pile. Et donc in fine, PPPPPPPPPP.
Et cette information du 51%, autant vous ne l’avez pas lors d’un tirage de pièce normalement, autant lors d’une élection vous l’avez, par les sondages, les discussions, les actualités politiques, et votre perception de la situation.
Mais, soit ; admettons que vous n’ayez aucune information. Alors FPFPPFPPFF n’est pas mauvais en soi, mais elle ne fait pas mieux (elle fait jeu égal) par rapport à FFFFFFFFFF. On ne maximise pas sa probabilité de succès en prédisant quelque chose d’équilibré.

J’ai réfléchi à ce que je disais plus haut, et je ne vois aucune faille. On peut même généraliser assez simplement :
a) lors d’une élection à trois candidats, si je pense que A bat C, j’ai intérêt à rejeter B, si je pense que C bat A, j’ai intérêt à trouver B excellent
b) et on peut généraliser à 4 candidats. Si mon ordre préféré est A>B>C>D, évidemment A sera trouvé excellent et D à rejeter, et pour le reste:
-si je pense que A gagne, B et C sont à rejeter
-si je pense que B gagne et qu’il est suivi par A, j’ai intérêt à rejeter B et C
-si je pense que B gagne et qu’il est suivi par C ou D, j’ai intérêt à trouver B excellent et rejeter C
-si je pense que C gagne et est suivi par A, j’ai intérêt à trouver C à rejeter.
-si je pense que C gagne et est suivi par B, je trouve B excellent et je rejette C
-si je pense que C gagne et est suivi par D, je trouve B et C excellent
-si je pense que D gagne, je trouve tout le monde excellent (sauf D bien sûr)
Mais dans tous les cas, je n’ai nulle besoin des options intermédiaires.

En fait, je pense que le principal problème du JM est qu’il confond sondage sincère et vote ; si je n’aime pas A et que je déteste B, si on m’interroge dans la rue pour savoir ce que je pense de A, je peux le critiquer. Mais le but de l’élection n’est PAS de communiquer ce que je pense de A ; que A soit élu avec une mention médiane de « insuffisant » ou de « excellent », il n’en a rien à faire ; et à supposer qu’il veuille tenir compte de l’avis de son électorat qu’il serait quand même bloqué ; sur quel point déplaît-il? Il n’en sait absolument rien. Non, le but d’une élection est d’élire quelqu’un, et du point de vue de l’électeur, d’élire celui qu’il préfère (ou qu’il déteste le moins). Du coup je suis contraint de « radicaliser » mes opinions.

Je ne sais pas si je suis très clair, donc on peut procéder avec ordre et méthode :

  1. dans une élection à deux candidats, est-on d’accord que j’ai toujours intérêt à voter Excellent et à rejeter, au sens où j’optimise mon utilité, et que je ne peux pas augmenter mon utilité en procédant à un autre choix (je peux certes faire jeu égal dans certains cas, certes ; mais si je ne veux pas me prendre la tête…)?
  2. dans une élection à trois candidats, est-on d’accord pour dire que j’ai toujours intérêt à trouver excellent le candidat que j’approuve le plus, et à rejeter le candidat que j’approuve le moins?
  3. dans une élection à trois candidats, est-on d’accord pour estimer que le candidat médian doit soit être trouvé excellent, soit trouvé « à rejeter »?
    Vous avez parfaitement le droit de ne pas être d’accord, et je ne demande qu’à être détrompé, mais j’aimerais avoir un raisonnement logique, parce que là je ne vois pas où est la faille. Merci!

Bonjour,

Si quelqu’un a un avis, je suis preneur.

Merci

Bonjour,

Je poursuis ma réflexion.

L’idée de base du JM est d’éviter la manipulation par des appréciations extrêmes en supposant que la médiane est moins manipulable que la moyenne.
En fait, si l’on réfléchit bien, cela dépend des cas :
-si sur un groupe de 101 électeurs, 51 décident d’attribuer à X la mention « passable », alors les 50 ne pourront effectivement rien modifier, tandis que si l’on avait pris un vote par note, si les 51 avaient mis 12/20, les 50 auraient pu faire passer la moyenne entre 6 et 16. Soit
-Mais ce n’est pas systématique. Si 50 électeurs ont décidé de voter excellent et 50 à rejeter, le 101e électeur a un poids extrêmement important puisque sa mention deviendra celle du JM. A l’inverse, avec un vote par note, il ne peut déplacer la moyenne globale que de quelques centièmes de point, soit un impact relativement faible.

Ainsi on ne peut pas dire que la médiane est moins manipulable que la moyenne. On peut dire que dans une partie des cas, elle est moins manipulable.
Mais se produisent deux effets gênants :
-dans certains cas, l’électeur avec un JM a un poids démesuré beaucoup plus important qu’il n’en aurait avec la moyenne
-dans d’autres cas, le bulletin de l’électeur au JM ne sert absolument à rien et cela ne change rien.
Dans un scrutin majoritaire à un tour, même si le candidat A a perdu d’avance, X peut se dire qu’en allant voter pour A, il lui permettra au moins de perdre moins honteusement. Là, même pas ; c’est du vent, puisque la médiane ne change pas.
Ainsi, alors que dans le vote à la moyenne, le poids de l’électeur est toujours le même, dans la médiane, il varie considérablement, jusqu’à atteindre 0, selon les circonstances.
Cela ne me paraît pas souhaitable.
Et que dire de ceux qui veulent mettre une mention inférieure (ou supérieure) à la médiane prévue (par les sondages, par exemple) aux deux candidats? Le bulletin risque d’être compté pour rien

Alors on risque de me répondre : oui mais les électeurs vont mettre 0 ou 20. C’est possible qu’ils votent comme cela, mais je ne vois pas pourquoi ils voteraient davantage de manière « exagérée » en radicalisant leurs avis en votant la moyenne, que pour le JM où ils pourraient tout à fait être tentés, pour que leur vote compte.

Il me semble que ce dernier message ne concerne plus la même question et serait davantage à sa place dans un fil dédié à la manipulabilité des scrutins, non ?

Bonjour

Complètement.
J’ouvre un nouveau fil.

Bonne journée

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Bonjour @Benoit, bienvenu sur le forum ! :slightly_smiling_face:

On dirait qu’il y a 3 questions différentes dans ton message, auxquelles je vais essayer de contribuer.

1. À quoi sert d’avoir plusieurs mentions si elles sont inutiles aux électeurs rationnels ?

Si je comprends bien, tu suggères que si aucun agent parfaitement rationnel n’aurait d’utilité à utiliser les mentions intermédiaires, alors il serait meilleur de les retirer du scrutin.

Mais il me semble que ça dépend de ce que tu cherche à réaliser, de ce que tu cherche à optimiser avec ce scrutin.

Notre but, par exemple pour une élection présidentielle, est peut-être d’avoir un mode de scrutin qui fonctionne le mieux possible en pratique, un système qui mesure le plus fidèlement possible les préférences de la nation. Et, vu les études que tu as faites, tu sais sans doute mieux que moi à quel point il n’est pas très rationnel de supposer que les électeurs vont agir de manière rationnelle ?

Autre manière de voir cette question : si on ne garde que les mentions extrêmes du JM, il devient le vote par approbation. Cette question peut alors être reformulée en : Quels sont, en pratique, les avantages d’un JM à plusieurs mentions par rapport au vote par approbation ?

Si c’est cette question qui t’intéresse, on peut essayer de l’explorer plus en détails. Des éléments de réponses se trouvent sans doute déjà dans :

2. Comment peut-il être rationnel de ne pas maximiser mes chances d’élire mon candidat préféré ?

Si je comprends bien, tu considères que la seule chose à prendre en compte dans ton utilité est le fait que le candidat élu soit le plus haut possible dans ton classement.

Mais j’ai l’impression que plusieurs autres éléments peuvent intervenir dans l’utilité d’un électeur. Par exemple :

  • « Je ne veux pas donner de la légitimité à ce·tte candidat·e ». Ou « je ne veux pas qu’un journaliste puisse interpréter mon vote comme un soutien à ce·tte candidat·e ».

    Par exemple, au second tour de l’élection présidentielle de 2017, qui opposait E. Macron à M. Le Pen, j’ai l’impression d’avoir entendu plusieurs fois des discours du style : « Je n’aime aucun des deux. Je pense que Le Pen est pire que Macron. Mais j’envisage de voter blanc ou de m’abstenir, pour dire que je ne veux d’aucun des deux. » Donc des gens qui avaient une nette préférence Macron > Le Pen, mais pour qui le fait de voter Macron n’aurait pas maximisé leur utilité personnelle.

  • « Je veux que lae candidat·e élu·e nous représente réellement en tant que communauté ». Ou « J’ai envie que le choix que nous feront soit réellement la somme fidèle de nos avis sincères ». Ou encore : « Je trouve que A est meilleur que B, mais de peu, et je n’ai pas un avis très tranché. Si votre avis est nettement opposé au mien, je préfères vous faire confiance. »

    Comme le remarque @domi41, c’est peut-être une attitude plus facile à avoir dans de petites élections, entre gens qui se connaissent.

  • Il est possible, dans un vote au JM, que l’issue du vote ne dépende pas seulement du classement des candidats mais aussi de leurs mentions (c’est même une fonctionnalité essentielle du JM). Par exemple : les frais de campagne d’un·e candidat·e ne sont remboursés que s’iel a au moins la mention « Passable ». Dans ce cas, je peux estimer qu’un·e candidat·e n’est pas assez bon·ne pour être élu·e, mais que sa voix apporte quelque chose au débat et que je suis heureux qu’iel ait eu la possibilité de se présenter. Et je peux vouloir lui donner la mention « Passable », même si c’est lae dernier·e candidat·e de mon classement, et même si « Passable » n’est pas la pire mention.

  • Quoi d’autre ? Qu’est-ce que des électeurs pourraient intégrer à leur utilité, qui pourrait influer sur leur vote, et qui ne soit pas simplement fonction du candidat élu ?

3. Dans quelle situation les mentions intermédiaires peuvent-elles être stratégiquement optimales ?

Finalement, on dirait que la véritable question que tu veux poser est : si mon seul objectif est de faire en sorte que le candidat élu soit le plus haut possible dans mon classement, existe-t-il une situation où utiliser une mention intermédiaire augmente strictement mon utilité ?

D’abord, il semble que tu as raison sur ceci : si je sais ce que les autres vont voter, alors il existe un bulletin optimal pour moi qui n’utilise que les deux mentions extrêmes. Rémi Peyre mentionne un théorème dans ce style vers le début de son troisième article sur les systèmes de votes, sur Image des maths.

Le cas intéressant est donc celui où je ne suis pas certain à 100 % de ce que vont voter les autres.

Également : si j’ai un préordre total sur les candidats, il est toujours optimal pour moi de donner la meilleure mention aux candidats qui arrivent premiers dans mon classement, et la pire à ceux qui arrivent derniers dans mon classement.

Le cas intéressant est donc celui des candidats que je ne classerais ni premiers ni derniers.

Pour réfléchir sur cette question, je propose l’exemple suivant :

Suppose que tu fais partie d’un groupe de 6 personnes, qui doivent élire une personne parmi les trois candidats suivants :

  • Alice (A)
  • Bernard (B)
  • Carole (C).

L’élection se fait au JM à 3 mentions, qui sont :

  • + (favorable)
  • 0 (neutre)
  • - (défavorable).

Tu as une préférence très nette A > B > C. Et tu sais que les 5 autres comptent voter comme suit :

A B C
Alice + - 0
Bernard 0 + 0
Carole 0 - +
David - + +
Ève - + 0

Sachant ça, tu as été parler à Ève pour la convaincre du fait que A est une bonne candidate. Ève a semblé sensible à tes arguments et elle va peut-être changer son vote pour

A B C
Ève + + 0

Tu penses en revanche qu’elle ne changera pas ses mentions des autres candidats, et que les 4 autres votants ne changeront d’avis sur aucun candidat.

Dans cette situation, qu’est-ce que tu votes ?

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Bonjour,

Déjà, un grand merci d’avoir pris la peine de taper une si longue et si riche réponse, et j’ai lu avec intérêt (bon, non sans mal vu mon faible niveau d’anglais) l’article de Balinski et Laraki, mais aussi les autres sources citées (sauf le livre, que je n’ai pas).

Je vous remercie pour vos exemples concrets sur la pertinence des appréciations intermédiaires et le but du vote, et c’est d’ailleurs ce que l’article abordait, page 31, sur le fait que le vote ne servait pas que à élire quelqu’un. C’est un débat philosophique plus que mathématiques ; pour ma part, je sais que pour moi, c’est uniquement le but d’élire quelqu’un ; avec vos exemples, je comprends que cette vue puisse ne pas être partagée et que l’on se serve de l’élection pour autre chose.
Un mot néanmoins quand même sur le remboursement des frais conditionné à avoir une mention au moins passable :
-n’oublions pas qu’un candidat peut se retrouver avec une mention à rejeter même si 49% des électeurs l’a trouvé excellent : c’est quand même assez brutal de se trouver privé de remboursement dans ces conditions
-attention au fait de poser deux questions et de n’avoir qu’une seule réponse à la fin : je peux par exemple considérer que tel candidat est à rejeter, mais en revanche qu’il a toute légitimité pour voir ses frais de campagne remboursés parce que j’estime que c’est normal dans une démocratie que les frais soient pris en charge ; ou a contrario que tel candidat est absolument excellent, mais que les candidats devraient payer eux-mêmes leurs frais de campagne et que je paye déjà suffisamment d’impôts ou de charges comme cela.

Et je suis également conscient que les électeurs sont tout sauf rationnels et logiques, en tout cas, qu’il existe une bonne part d’irrationnalité parmi une large partie de l’électorat. D’ailleurs les résultats ont montré que les gens utilisaient largement la gamme d’appréciations intermédiaires

De toute manière, j’ai envie de dire que ces appréciations intermédiaires ne me dérangent pas : ceux qui veulent les utiliser les utiliseront, et pas moi, voilà tout!

Allez, je vais travailler sur votre exemple final :
Cas initial (Eve vote - + 0) :
Alors les mentions médianes sont donc de 0 pour A (elle reste à 0 quoi que je fasse, sauf en votant -, mais je ne vois aucun cas où je serais amené rationnellement à voter - pour mon candidat préféré)
Pour C, elle est à 0, et à moins que je vote + (mais ce serait me tirer une balle dans le pied), elle reste à 0.
Je ne sais pas comment fonctionneraient les cas d’égalité, mais en logique rigoureuse, vu que C n’aurait qu’un seul - , 3 « 0 » et 2 « + », contre A avec 2 « 0 », 1 « + », 2 « - », a priori les règles de départage devraient élire C.
Ce que je ne veux pas.
Donc reste B : j’ai envie que B fasse mieux que C : je mets + à B, donc je vote +±, et B est élu, et je me console de ne pas avoir pu élire A en me disant qu’au moins j’ai pu battre B.
Puis-je mettre « 0 » à B? Oui, car dans ce cas j’ai une médiane « entre 0 et + » pour B (un demi plus?), qui bat la médiane de 0 (strictement 0) de C.
Puis-je mettre « - » à B? Dans ce cas, j’ai une médiane pour B de « 0 », mais avec 50% de part et d’autre, tandis que pour les C, du côté négatif, je n’ai qu’un sixième de l’électorat ; les règles de l’égalité devraient élire C.
Du coup, soit 0 soit +.

Mais Eve peut changer de vote!
Bon, là encore, je mets + à A et - à C.
A se retrouverait sous cette hypothèse avec 3 « + », 2 « 0 » et 1 « - », contre 1 « - », 3 « 0 » et 2 « + ». En toute logique, A gagnerait contre C , A ayant une médiane « entre 0 et + ».
Reste le cas de B. Je sais que A gagne contre C. C perd donc l’élection, donc a priori je n’ai plus à me prémunir contre C. Je ne veux pas que B batte A, mais j’accepte qu’il soit devant C (disons pour être sûr que C soit éliminé).
Puis-je mettre « + » à B? Non, car il se trouverait avec une médiane de « + », et donc battrait A.
Puis-je mettre « 0 » à B? Il se retrouverait avec une médiane « entre 0 et + », et vu la distribution des votes, battrait A.
Je ne peux donc que mettre « - » à B.

Du coup, problème, puisque mon vote sur B est conditionné à celui d’Eve.
Solutions en vrac :
-attendre qu’Eve ait voté, lui demander (en espérant qu’elle me répondra sincèrement [ce qui est certes pas sûr car elle a des préférences initiales inverses aux miennes ; c’est peut-être une machiavélique qui veut me faire croire qu’elle a changé d’avis!]) ce qu’elle a voté et me prononcer en fonction
-ou, encore mieux, proposer à Eve de s’épargner la peine d’aller au bureau de vote, et de me faire une procuration
-ou, plus mathématiquement, estimer mon espérance d’utilité. Supposons que u(A)=2, u(B)=1, u(C)=0. Si j’ai l’impression qu’Eve a strictement plus d’une chance sur deux de changer d’avis sur A et voter « + », j’aurais tout intérêt à mettre « - » à B. Si Eve a strictement moins d’une chance sur deux, il faut que je vote « + » ou « 0 ».
Si je n’ai aucune information et aucune estimation sur la probabilité qu’Eve a de changer d’avis, c’est-à-dire que j’ai l’impression qu’Eve ait autant de chances de voter « + » ou « - » sur A, dans ce cas, je ne peux pas me déterminer. Je minimise ET maximise mon utilité, quoi que je vote pour B.

Et si Eve décide de modifier son avis sur A, mais sans aller jusqu’à voter « + », mais se contente d’un « 0 »? Parce que généralement les gens hésitent plus entre « 0 » et « + », ou « 0 » et « - », qu’entre « + » et « - »!
Alors A et C vont se retrouver exactement avec les mêmes profils de vote. Aïe, on risque de tirer au sort entre les deux? Si je mets « + » ou « 0 » à B, il gagne. Si je mets « - », il perd.
Vu que j’ai fixé des utilités de 2, 1, 0, je peux voter n’importe quoi pour B dans ce cas ; je ne maximise ni ne minimise rien.
En revanche, si j’avais fixé des utilités de 2,01 ; 1 ; 0, je préfère tenter en mettant « - » à B, pour avoir une chance sur deux d’avoir 2,01 et une chance sur deux d’avoir 0, soit 1,005 en moyenne. Avec une utilité de 1,99 - 1 - 0, j’ai plutôt intérêt à mettre « + » à B pour l’élire.

Bon, au-delà du cas particulier du problème, intéressant mais pas forcément toujours transposable à des élections réelles :
-il y a généralement plus d’électeurs
-il y a généralement des sondages qui permettent de pressentir clairement qui est le premier
-les électeurs hésitent plutôt entre « + » et « 0 » ou « - » et « 0 » qu’entre « + » et « - »
j’entends très bien qu’en l’absence de toute information un électeur puisse décider de voter pour une appréciation intermédiaire, mais :
-si l’on considère que l’utilité provient uniquement du résultat du vote, il ne perd pas non plus de l’utilité en votant pour une mention extrême
-avec le biais minime d’information même le plus ténu, alors il risque d’être entraîné à voter excellent ou à rejeter
Mais vu que l’électeur n’est pas rationnel, vu qu’il peut avoir pas mal d’informations contradictoires dont il a du mal à estimer la véracité, il peut effectivement trancher pour une mention médiane sans trop se poser de questions.

Mais encore une fois, aucune objection à laisser ces mentions intermédiaires, ceux qui veulent les utiliser le pourront!

Bonne soirée à vous

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Non. Si Ève change son vote pour donner + à A et que tu votes (A +) (B 0) (C -) alors les profils de mérite deviennent :

Candidat Profil
A - 0 0 + + +
B - - 0 + + +
C - 0 0 0 + +

Le profil de A domine celui de B, le classement est A > B > C.

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Ah, bien vu! Erreur de ma part!
Donc du coup je peux voter 0 et dans tous les cas cela fonctionne.
→ Merci pour cet exemple de qualité qui démontre effectivement que dans certains cas le choix de l’appréciation intermédiaire est le plus intéressant!

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