Ça fait si longtemps cette discussion…
Bon je crois que j’ai une nouvelle proposition qui devrait régler diverses critiques sur ma proposition précédente qui avait été assez mal comprise.
Description de ma nouvelle proposition de mode de scrutin d’assemblée
L’idée serait de fusionner les deux scrutins parallèles que je proposais, en un seul qui serait donc un scrutin de listes, potentiellement incomplètes, à classer par l’électeur, chaque liste ne pouvant obtenir au maximum que le nombre de candidats sur sa liste. Le mode de scrutin serait donc techniquement :
- un scrutin de listes ordonnancées et fermées, qui peuvent être incomplètes (je retiens pas les listes ouvertes par panachage, ratures ou par des votes à tel candidat à l’intérieur, en raison du risque qu’on avait déjà évoqué dans les messages 50 et 51 de ce fil, qui sont déjà arrivés, par exemple aux 3e coalitions aux dernières législatives tchèques et polonaises, mais aussi car c’est incompatible avec un bulletin unique où 1 liste = 1 ligne et ne fait guère de sens dans le cadre de transférabilité entre les listes)
- un scrutin strictement proportionnel au nombre de voix obtenues, avec égalité du principe d’égalité des voix entre tous les citoyens,
- un scrutin de classement, plus particulièrement de vote unique transférable (donc reposant sur un seuil à atteindre pour chaque MP, soit du premier coup soit suite aux transferts)
Et il se déroulerait toujours dans une unique circonscription couvrant l’ensemble de l’électorat et des candidatures.
J'ai en fait un texte descriptif ici (cliquer pour déplier/replier), dont un paragraphe qui s'adresse directement à l'électeur est repris sur le bulletin de vote, qui est bien évidemment un bulletin de vote unique. Là il est écrit sans vote cumulatif, avec 1 voix par électeur, mais ça se discute et c'est ajoutable, il y a une partie plus bas où j'en parle.
Les élections [adjectif] ont pour but d’élire les [nombre de sièges] députés [adjectif] de [nom de l’assemblée] pour un mandat de [durée du mandat], du [date] au [date].
Le mode de scrutin utilisé est un scrutin de listes ordonnancées et fermées, qui peuvent être incomplètes, est un scrutin strictement proportionnel au nombre de voix obtenues, avec égalité du principe d’égalité des voix entre tous les citoyens, est un scrutin de classement, est un scrutin de vote unique transférable, et se déroule dans une unique circonscription couvrant l’ensemble du corps électoral et des candidatures.
Son fonctionnement est détaillé ci-dessous.
Chaque candidature est formée d’une liste de personnes candidates dans un ordre annoncé, fixé et non modifiable par les candidats ou par les électeurs pour l’attribution des sièges. Chaque liste peut contenir entre 1 candidat et [nombre de sièges total]. Chaque candidat doit être éligible (et selon les scrutins, ne pas être privé de ses droits civiques).
Pour chaque tour de dépouillement, l’ensemble des voix portées sur une liste sont utilisées pour faire élire un maximum de mandats pour cette liste dans la limite du nombre de candidats de la liste. Une liste ne peut donc obtenir plus de sièges que le nombre de candidats qu’elle a présenté, et les éventuels suppléants présentés ne sont pas comptabilisés et ne peuvent donc siéger qu’en cas de vacance d’au moins un siège remporté par un candidat de la même liste. Chaque électeur peut classer autant de listes qu’il le souhaite, dans l’ordre précis de son choix.
Pour élire des MP pour la mandature [dates], en tant qu’électeur non privé de ses droits civiques, vous disposez de une voix.
Classez les listes candidates par ordre de préférence, en marquant « 1 » pour votre premier choix, « 2 » pour votre deuxième choix, « 3 » pour votre troisième choix, etc, en continuant aussi longtemps que vous le voulez.
La totalité de votre voix sera attribuée à votre premier choix au premier tour, puis toute la partie restante de votre voix sera à chaque tour transférée à la liste premier choix de votre ordre de préférence parmi les listes encore en lice, c’est-à-dire dont il reste encore des candidats titulaires sur la liste qui n’ont pas été élus, et que la liste n’a pas été éliminée dans un tour antérieur.
Votre voix ne sera jamais transférée à une liste que vous n’avez pas indiqué dans votre ordre de préférence.
Le seuil d’élection de 1 élu est égal à l’arrondi supérieur du nombre de suffrages exprimés plus un, divisé par le nombre de sièges total plus un (cf quotient de Droop).
Seuil pour l’élection de 1 élu = arrondi sup.[(suffrages exprimés +1) / (nb de sièges +1)]
Si vous attribuez le même nombre de rang à plusieurs candidats, votre bulletin est nul à partir du moment où ce rang devient votre premier choix parmi les listes encore en lice. Si vous laissez votre enveloppe vide, ou que vous n’incluez aucune liste dans votre ordre de préférence, votre vote est blanc.
Les votes blancs et nuls ne font pas partie des suffrages exprimés, et n’interviennent pas dans l’élection des candidats.
Lorsqu’un siège devient vacant, par démission, décès, ou cumul des mandats, d’un élu, le candidat suivant sur la liste d’élection, devient le nouveau élu à sa place. Aucune élection partielle n’est prévue. Le seul cas pouvant entraîner une dissolution de l’assemblée est l’invalidation, par le Conseil Constitutionnel, des élections pour irrégularités, auquel cas la nouvelle élection doit se tenir entre a semaines et b semaines, doit être précédé par c semaines avant la période de dépôt (d semaines) des candidatures, et concernera la fin de la durée de la mandature prévue par l’élection précédente, qui a été invalidée.
Pour se présenter, chaque liste doit indiquer par quelle méthode seront désignés les suppléants de ses candidats. Cette méthode sera appliquée dès lors qu’au moins un siège d’une liste dont chaque candidat est soit déjà membre de l’assemblée, soit en situation de cumul des mandats, soit devenu inéligible, soit décédé, soit dans l’incapacité de siéger, soit démissionnaire. Chaque personne désignée comme suppléant doit accepter officiellement le poste pour siéger. Pour chaque liste d’élection, tout candidat titulaire a la priorité sur les suppléants s’ils redeviennent en mesure de siéger et s’ils en font la demande administrative, et pour chaque liste d’élection, la priorité entre plusieurs candidats titulaires qui sont redevenus en mesure de siéger et qui font la demande de reprendre leur mandat, se fait toujours selon l’ordre de la liste d’élection.
Quelques Effets Généraux
Je pense que ce nouveau mode de scrutin aurait des répercussions très souhaitables sur la campagne. Et serait notamment plus simple que ma proposition précédente (vous me direz), à la place des 2 choix de scrutins différents qui s’offraient à l’électeur, la principale difficulté deviendrait la notion de listes incomplètes, du fait que tant qu’il reste des candidats non élus sur votre liste de premier choix et qu’elle n’a pas été éliminée, tout ce qui reste de votre voix continuerait à l’élire et ne passerait à votre liste suivante qu’une fois que tous ses candidats ont été élus ou que la liste a été éliminée.
Je pense intuitivement que les grands partis capables d’aligner le nombre maximum de candidats, et sûrs d’en faire élire beaucoup d’entre eux, seraient amenés à présenter au moins 1 liste très remplie et de présenter également quelques autres beaucoup plus petites centrées soit sur des parties particulières de leur programme, ou minoritaires, soit sur des territoires particuliers, etc, ces dernières pouvant d’ailleurs décider de s’apparenter à la première pour les durées de clips télévisés ou dans certains débats (où le temps de parole d’une liste pourrait ainsi dépendre de son nombre de candidats).
C’est évidemment aussi mon avis, avec la transférabilité ce risque devrait être résolu, chaque MP étant ainsi élu avec autant de voix d’électeurs, assurant le principe d’égalité des voix entre les citoyens.
La disparition du scrutin parallèle au vote unique transférable devrait faciliter le dépouillement, même si celui-ci n’aurait pas probablement pas été trop problématique non plus dans la mesure où on s’attend à ce qu’une majorité d’électeurs choisissent le vote cumulatif.
La présence des listes incomplètes et la fusion des 2 scrutins devrait permettre d’éviter le risque que les petits partis ne disputent que le scrutin en vote unique transférable même s’ils préféraient présenter une liste déjà formée et ordonnancée.
Maintien ou non du Vote Cumulatif, et si oui combien de voix ?
Finalement dans ces conditions, j’ai un gros doute sur l’utilité du maintien du vote cumulatif, le gros problème étant que cumulé à la transférabilité, outre le risque d’incompréhension, on aurait le risque que la durée de dépouillement soit presque proportionnelle au nombre de voix donné à chaque électeur, qu’en donnant 2 voix au lieu d’une, ça double la durée du dépouillement !
Du point de vue de l’électeur : si on lui retire le vote cumulatif, il ne pourra pas faire passer plus d’une liste prioritairement, il sera obligé de la mettre après dans son ordre, mais pourra toujours valoriser plus ou moins de listes, mais plus ou moins « prioritairement » cette fois (et non plus ou moins « fortement » comme dans le vote cumulatif), et il aura toujours le choix du nombre de listes qu’il ne valorisera jamais (il peut même abaisser ce nombre, contrairement au vote cumulatif où on s’attend à avoir plus de listes candidates que de nombre de voix).
Mais ce serait dans tous les cas beaucoup moins gênant pour les soutiens de plusieurs listes ou les hésitants, que les systèmes actuels. Et il y aurait toujours la possibilité d’utiliser les listes incomplètes pour jouer sur les équilibres, faire élire untel. Si je pense que les partis auraient intérêt à utiliser des listes incomplètes, au moins en plus de leur(s) potentielle(s) liste(s) principale(s), c’est précisément lorsqu’ils savent qu’ils ont des candidats qui peuvent espérer avoir des voix qui ne se porteraient pas sur le parti autrement, ou qui ne souhaitent pas n’être utilisées que pour l’élire massivement.
Le premier choix de tout électeur peut finir éliminé, et va probablement l’être à un moment ou l’autre du dépouillement (sauf si les taux de transferts sont exceptionnellement élevés), potentiellement avec déjà un ou plusieurs MP, et sa voix pourra alors aller à son choix suivant, mais ce d’autant moins que le succès de sa liste précédente aura été grand : prenons l’exemple d’une liste qui a réussi à élire 11 MP mais dont le reste pour le 12e est bien trop insuffisant, même après transferts et finit éliminé : s’il finit éliminé c’est que tous les autres restes (chacun nécessairement inférieur au seuil de 1 MP) étaient supérieurs, donc que ça ne représente pas une grande proportion dudit seuil. Or s’il finit par exemple à 0,2, ça fait un total de 11,2, donc la voix restante de cet électeur sera de 0,2/11,2, soit 0,018 voix (soit 1/11,2e du reste).
En revanche sa voix reste entière tant qu’il n’a élu personne.
Alors, est-ce que le vote cumulatif est quand même nécessaire, ou la transférabilité avec des listes incomplètes suffit ? Est-ce que le vote cumulatif vaut même encore le coup dans un contexte où chaque voix peut être transférée d’un tour de dépouillement ou l’autre, ou ajouterait trop de complexité pour l’électeur et/ou pour les dépouilleurs ? Et si on conserve du vote cumulatif, combien de voix ? 10 voix, même 100 (pour faire des %) voire autant que de sièges, semblait entendable, raisonnable et jouable sans transférabilité (c’est juste des additions), mais avec la transférabilité ça me semble bien trop énorme et ingérable.
Mécaniques de Transférabilité
Alors voyons les deux cas de figure envisagés :
(1) Les listes qui élisent tous leurs MP et ont du surplus, qui sont les seuls cas correspondant au mécanisme du « transfert car déjà élu » du vote unique transférable. Les surplus d’une seule de ces listes peut faire élire plusieurs MP (celles-ci sont d’ailleurs du coup prioritaires sur les éliminations).
(2) Les listes qui galèrent à obtenir un nouvel MP (une fois passé le premier tour où on peut s’attendre à ce que plusieurs listes obtiennent de nombreux MP et la plupart qu’ils en gagneront en tout).
Ces dernières, au contraire, doivent finirent pas être éliminées (je veux dire, au plus faible reste) pour transmettre des voix. C’est d’ailleurs à ce moment-là que le vote unique transférable ne respecte pas la quasi-unanimité, comme le jugement majoritaire du reste, mais à la différence du JM, le VUT ou toute variante comme ici, est un scrutin d’assemblée, avec beaucoup de MP à élire, et où chacun doit représenter une part égale des électeurs, donc l’avis de chaque électeur n’est pris en compte qu’au prorata des voix qu’il lui reste (ce qui est bien normal, car la part restante a déjà été utilisée pour élire des candidats qu’ils avaient mieux classés).
Surtout, ce qui rend le VUT sensible c’est que prendre le critère de celui qui a le moins de voix à ce tour du dépouillement n’est pas un gage car il n’aurait pas réussit à en obtenir assez relativement vite après, mais sans déployer des moyens colossaux sur une telle élection, avec un dépouillement décentralisé par dizaines de milliers de bureaux de vote, on ne peut pas décemment essayer de calculer autrement, d’autant plus que ce serait accusé, à raison, d’être un tripatouillage électoral défavorisant fatalement certains candidats.
Non la seule façon de régler ça serait de trouver une règle de mécanisme à la fois :
- au moins autant juste (par rapport à l’ordre de classement de l’électeur),
- au moins autant efficace (c’est-à-dire capable d’élire autant de MP qu’il le faut, et si possible en moins de tours de dépouillement, et le moins possible d’utiliser le plus fort reste à la toute fin),
- au moins autant simple à comprendre et utiliser pour l’électeur, et à appliquer pour les dépouilleurs. Et je n’ai pas connaissance d’autres règles de mécanismes proposés pour une formule alternative de VUT.
Voilà, j’avais pas rebondi sur ce point que vous aviez déjà soulevé à l’époque, au moins maintenant c’est plus clair pour les éventuels lecteurs qui saisiraient pas où le VUT est sensible.
Retour sur la composition des listes : listes de candidats potentiellement incomplètes, cas des vacances de sièges et donc quid des suppléants
Concernant les « véritables mandats », dont seule la méthode est certaine d’être connue par les électeurs avant la mandature, je pense qu’ils pourraient n’être rendus possibles que sous la forme de suppléants d’un candidat élu, si et seulement si l’ensemble des candidats de la liste ne suffit plus pour le nombre de MP élus de ladite liste.
Concrètement, un grand parti n’aurait pas intérêt à juste présenter son leader et poser des mandats pour les places suivantes, car dans ce cas sa liste n’obtiendrait qu’un seul siège : le sien, et il ne pourrait donc jamais choisir ses collègues mais seulement un s’il ne peut lui-même plus siéger (je donne l’exemple où c’est lui qui choisit, mais ça peut tout aussi bien être un autre système).
Mais de toute façon c’est surtout qu’il faut que je trouve un moyen de remplacer des MP élus qui démissionneraient, mourraient, serait élu ailleurs, serait déchu de ses droits civiques et/ou de MP, etc, tout en conservant la possibilité de présenter des listes avec moins de candidats que de MP.
Demander 577 candidats pour se présenter aux législatives va juste tuer les petits partis et les indépendants (qui dans ce système pourraient totalement se présenter s’ils en font le choix). Et d’ailleurs désormais aux municipales on demande non plus autant de candidats que de sièges au conseil municipaux, mais deux de plus… justement au cas où il y aurait trop de sièges vacants parmi la liste gagnante !
Et évidemment il n’est toujours pas question de faire d’élection partielle pour la très simple et bonne raison que l’électorat que représente chaque MP n’est pas connu nominativement (et pour ce faire il faudrait rendre le vote complètement non-secret d’un tiers), d’autant plus qu’entre les listes et la transférabilité cet électorat n’est pas constitué de personnes entières. C’est par ailleurs aussi la raison pour laquelle un système de démocratie délégative liquide où on pourrait choisir de retirer sa voix de « son » ou « ses » MP ne marcherait pas non plus (un simple système de référendums à la suisse serait beaucoup plus simple et plus clair).
Vous savez que je n’aime pas trop se retrouver avec des MP ignorés de leurs propres électeurs, mais je me dis que dans la mesure où ce serait très limité et où ce ne serait que des suppléants (donc siégeant uniquement en cas d’absence de tous les autres candidats de la liste, et pouvant être rappelé par un candidat de la liste lorsqu’il redevient en capacité de siéger), ce ne serait pas un cas très courant et ça resterait justifiable. Et je ne peux sacrifier de nombreuses offres électorales juste pour le bénéfice d’annoncer une petite partie des suppléants.